Le bio cherche à repartir
Après deux années de crise, les ventes en bio repartent enfin à la hausse. La filière attend désormais un accompagnement pérenne des pouvoirs publics.
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Tirer des leçons du passé. Voilà le maître mot partagé par les professionnels de l’agriculture biologique, réunis pendant deux jours au salon Tech & Bio, à Bourg-lès-Valence (Drôme), les 24 et 25 septembre derniers. « Après des années de croissance à deux chiffres, on a connu une période 2021-2023 très déstabilisante avec 13 000 agriculteurs qui sont arrivés sur le marché et sur la même période, des consommateurs qui ont baissé leurs achats de 6 %, a rappelé Sébastien Windsor, président de Chambres d’agriculture France. Aujourd’hui, on sort de cette situation avec des frémissements de la consommation, mais comment éviter de retomber dans cette situation ? »
Hausse des ventes
Le premier semestre 2025 enregistre + 4,1 % de chiffre d’affaires pour la bio. Les ventes sont tirées par le local : la vente directe et les magasins spécialisés connaissent les plus fortes croissances avec respectivement + 8,8 % et + 6,2 % de chiffre d’affaires. Et grande première depuis 2021, la grande distribution — qui pèse pour près de la moitié de la consommation bio à domicile — affiche également une croissance de ses ventes de + 1,4 % à mi-année.
« Les marques industrielles qui avaient développé une gamme bio ont toutes arrêté, explique Benoît Soury, directeur du marché bio pour le groupe Carrefour. Bonne nouvelle, cette diminution des assortiments sur les marques opportunistes est à son terme ». Chez Carrefour, la croissance des ventes en produit bio a atteint + 6 % à la fin août. « Nous sommes sûrs de pouvoir faire encore mieux », assure Benoît Soury.
Plus résiliente, la distribution spécialisée avait vu ses ventes chuter de façon moins brutale. « Depuis 18 à 24 mois selon les filières, on constate une reprise qui se raffermit, soutien Stéphane Durand, directeur du secteur fruits et légumes chez Biocoop. Nous sommes entre + 7 % et + 8 % au premier semestre, on est plutôt positif sur l’avenir. Le consommateur revient et reprend du plaisir à consommer bio ». Le distributeur annonce d’ailleurs investir dans 160 nouveaux magasins d’ici 2029 pour accompagner la demande.
Sortir de la crise
« Il est prématuré de parler de reprise car la croissance est exprimée en valeur, pas en volume. C’est un bon signe, mais il faut maintenant que les volumes suivent, tempère Jérôme Caillé, éleveur bio et président de la commission agriculture biologique pour La Coopération Agricole lors d’un point presse organisé le 25 septembre. On est au milieu du gué, on a encore du travail ».
La Coopération Agricole entend désormais accompagner la reprise et construire l’agriculture biologique de demain (lire encadré) en interpellant les pouvoirs publics. « Nous n’attendons pas tout de l’État, mais nous voulons un cap », justifie Jérôme Caillé. Sur la loi Egalim qui impose 20 % de produits bio dans la restauration collective, le compte n’y est toujours pas. L’Agence bio rapporte que la part du bio n’atteint que 8 % en restauration hors domicile en 2024. « L’État ne fait même pas respecter la loi dans ses écoles, déplore Jérôme Caillé. Si on avait atteint ces 20 %, nous n’aurions pas cette crise aujourd’hui. »
Quel avenir pour la bio ?
Au regard de la situation, les objectifs de l’État en termes de conversion paraissent trop ambitieux. « L’objectif de 18 % de SAU bio inscrit dans le Plan stratégique national (PSN) est dangereux pour les marchés », poursuit Jérôme Caillé. Dans un rapport dédié à la crise de l’agriculture biologique de juin 2025 révélé par nos confrères de Contexte que le ministère de l’Agriculture n’a pas rendu public, le CGAAER (1) estime que les objectifs de 18 % de SAU en 2027 et 21 % en 2030 sont impossibles à atteindre au regard du rythme annuel moyen de conversion. « La doctrine de l’État a consisté à privilégier l’accompagnement des conversions », souligne le CGAAER en pointant le manque d’aides spécifiques dédiées aux exploitations converties.
Par ailleurs, les auteurs du rapport soulignent le manque de structuration de la bio en France. Ils préconisent plutôt une structuration sur le modèle des organismes de défense et de gestion (ODG), distincte de l’État, comme le sont les autres signes de qualité et d’origine (SIQO). Aujourd’hui, c’est l’Agence bio, une agence de l’État, qui se charge de la promotion et de la structuration de l’agriculture biologique en France. Mais jusqu’à quand ? Amputée d’environ 64 % de son budget en mai dernier, l’avenir de cette dernière se joue désormais entre les mains du futur gouvernement. Le nouveau premier ministre, Sébastien Lecornu, ayant fait savoir début septembre qu’il souhaitait réduire le nombre d’agences de l’État dans le cadre du plan de réduction des dépenses publiques. Un signal plutôt inquiétant pour la filière bio.
(1) Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux
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